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Marchés publics : bientôt l’âge de la maturité ?

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Posté le 12/12/2012
Articles de fond

Voilà près de 15 ans que Genève connaît le régime des marchés publics. C’est en effet en 1997 que le Grand Conseil a adopté la loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à l’Accord intercantonal sur les marchés publics, mieux connu sous le vocable AIMP. Face à l’importance prise par ces marchés pour les entreprises locales et la concurrence engendrée par la faculté offerte aux sociétés étrangères de soumissionner pour les marchés importants ouverts sur le territoire genevois, il apparaît utile de faire un point de situation sur l’état de la législation, les possibilités d’accès à l’information et de donner la parole à un observateur privilégié du secteur de la construction, Nicolas Rufener, secrétaire général de la Fédération des métiers du bâtiment.

 

 

Transparence et non-discrimination

Deux principes essentiels ont été à la base de la mise en œuvre de la législation sur les marchés publics : la transparence et la non-discrimination. Le premier se décline à tous les stades du processus. Les marchés ouverts doivent bénéficier d’une large publicité pour attirer les soumissionnaires et ceux-ci doivent pouvoir connaître les critères d’adjudication afin de d’évaluer les chances d’obtenir le marché ; ils doivent également être au fait des procédures applicables. La non-discrimination, à laquelle on associe l’égalité de traitement, vise à exclure des critères volontairement restrictifs, tels que l’origine ou le lieu du siège du soumissionnaire, et à donner à chacun les mêmes chances d’accès au marché, notamment en reconnaissant largement les équivalences des diplômes ou des expériences requises pour soumissionner.

Eviter le dumping salarial

En revanche, le Règlement sur la passation des marchés publics prévoit une obligation pour tout le personnel du soumissionnaire ou de ses sous-traitants de respecter les dispositions applicables à Genève en matière de protection sociale des travailleurs et de conditions de travail dans leur secteur d’activité. Cette obligation n’est pas considérée comme discriminatoire mais permet au contraire d’éviter un dumping salarial inacceptable. Au niveau fédéral, la loi sur les marchés publics (LMP) en vigueur depuis 1996 régit les procédures d’adjudication de l’administration fédérale et des entreprises publiques. Tous les marchés publics de fournitures, services et construction sont susceptibles d’y être soumis lorsqu’ils dépassent un certain seuil financier. Particularité par rapport aux dispositions cantonales : des négociations peuvent être engagées entre adjudicateur et soumissionnaire, ce qui n’est pas sans soulever des problèmes d’équilibre entre les parties (voir l’interview de Nicolas Rufener plus loin).

Trouver les appels d’offre

Le volume des affaires transitant par des procédures de marchés publics sont en constante augmentation compte tenu du niveau, voire de l’abaissement des seuils à partir desquels la soumission à ces procédures est requise. Il est par conséquent essentiel que les entrepreneurs soient informés de l’ouverture de ces marchés. Outre les publications dans les organes officiels tels que la FAO, ceux-ci sont recensés sur www.simap.ch, système d’information sur les marchés publics en Suisse. Une visite régulière de ce site s’impose à tous ceux qui veulent rester informés en permanence sur ces possibilités d’affaires.

Charles Lassauce


Les marchés publics dans la construction représentent un tiers des commandes mais cette statistique recouvre des réalités différentes. Dans le génie civil, par exemple, les entreprises font presque exclusivement du marché public. A l’inverse, dans le second œuvre, presque jamais. Le CCIGinfo a demandé au Secrétaire général de la FMB d’apporter son éclairage. Rude concurrence « L’ouverture des marchés a produit certains des effets attendus », relève Nicolas Rufener. « En particulier, les marchés sont devenus hautement concurrentiels, puisque tout le monde peut participer. En outre, il est quasiment impossible de refuser une entreprise, même lorsque ses prix sont manifestement trop bas. Pour ce cas, quelques dispositions existent, mais elles sont malheureusement inapplicables. » Paradoxalement, explique le Secrétaire général de la FMB, les entreprises hésitent à participer à des appels d’offre de marchés publics. « Il y a plusieurs raisons à cela. En premier lieu, les entreprises partent du principe que seul le moins-disant a des chances et que c’est injuste parce qu’il va sous-traiter, ou qu’il forme moins d’apprentis. Ensuite, il y a une grande incertitude liée au démarrage des travaux. Si l’on prend le cas du projet de musée d’ethnographie à la place Sturm, les entreprises avaient déjà rendu leurs offres lorsque le référendum a été lancé. Enfin, de nombreuses frustrations se font par ailleurs jour, parfois pour des raisons éminemment subjectives, et découragent les participations aux marchés publics. Telle entreprise trouve anormal que, bien qu’étant contribuable sur le territoire communal, elle n’obtienne jamais de mandat. Telle autre considère que son effort en matière de formation n’est pas récompensé. » Moins-disant ou mieux-disant ? Quant à l’objectif d’économie des deniers publics grâce aux appels d’offre publics, l’exercice n’est pas totalement réussi. « Les marchés sont souvent attribués au moins-disant alors qu’ils devraient l’être au mieux-disant », assène Nicolas Rufener. « Nos autorités sont obnubilées par la notion d’îlot de cherté, alors que l’industrie de la construction suisse, même avec des charges salariales plus élevées, est compétitive en comparaison internationale, de l’aveu même du seco. De fait, aucune entreprise étrangère n’est compétitive sur notre marché, dès lors qu’elle doit se conformer à nos conditions de travail et de salaire. » Il faut aussi savoir que la pratique des cantons et de la Confédération diverge sur un aspect essentiel : la négociation. Il n’y a pas de négociation possible pour les marchés régis par l’AIMP, alors que la Confédération peut négocier. « Mais la pratique n’est pas claire », regrette M. Rufener. « Le maître d’ouvrage est toujours en position de force et le but unique de la négociation est de faire baisser les prix. » Les marchés octroyés par les CFF sont particulièrement peu transparents. De ce fait, pour Nicolas Rufener, l’appel d’offre public a un petit côté « poudre aux yeux », puisque, là où la négociation est possible, en définitive, le maître d’ouvrage fixe le prix pour ainsi dire comme il veut. En outre, si la notation du critère « prix » est objective, car fondée sur une formule mathématique, les autres critères pris en compte pour la sélection d’un adjudicataire sont très subjectifs. Cette subjectivité permet, sur des offres proches, une certaine marge de manœuvre au maître d’ouvrage. Utilisée à bon escient, celle-ci est positive, mais elle peut aussi servir à « choisir » le soumissionnaire que l'on préfère. Une grande marge de progression La pratique des marchés publics de la construction est donc clairement perfectible. Outre la suppression de la possibilité de négocier, Nicolas Rufener imagine plusieurs autres pistes. « On devrait associer les entreprises plus tôt au processus. Pour cela, les soumissions seraient plus sommaires et les entreprises participeraient, moyennant défraiement, à leur établissement. Cela aurait l’avantage supplémentaire de remédier à la faible qualité des soumissions. L’analyse des offres par les maîtres d’œuvre laisse aussi souvent à désirer, car ils sont insuffisamment formés à cet exercice. » « Clairement, les autorités doivent redonner confiance aux entreprises, conclut Nicolas Rufener. Pour cela, il faut notamment un système de sanctions applicables et appliquées. Aujourd’hui, les amendes ne sont pas assez dissuasives. Et il y a parfois des intérêts divergents au sein même du maître d’ouvrage. Ainsi, l’arrêt immédiat d’un chantier est sans aucun doute efficace, mais s’il s’agit, par exemple, de la construction d‘une école, la collectivité s’y opposera car elle a besoin que son établissement soit ouvert en temps et en heure. »

Alexandra Rys

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