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Transition énergétique : Gardons-nous de l’hyper-régulation

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Posté le 27/11/2014
Articles de fond

En 2011, la catastrophe de Fukushima a poussé la Suisse à décider de sortir du nucléaire. Cette décision implique un bouleversement complet de la politique énergétique helvétique. Le sujet est complexe mais fondamental pour les entreprises. Le Conseil national empoignera la question en décembre prochain. A la veille du débat parlementaire, faisons le point sur un des dossiers-phares du moment.

 

Une stratégie suisse très ambitieuse
La stratégie énergétique 2050 de la Confédération va bien au-delà de la fermeture et du remplacement de l’électricité produite par les centrales nucléaires. Elle touche toutes les énergies (électricité, carburants, combustibles) et son but est double. Elle vise tout d’abord à diminuer fortement la consommation d’énergie. Les étapes et les objectifs de baisse seront inscrits dans la loi. Elle a pour second objectif de développer fortement les énergies renouvelables. Là aussi, les objectifs et le calendrier de la baisse seront fixés dans la loi.

 

La mise en œuvre de la stratégie comportera deux étapes et deux types de mesures. La première étape durera jusqu’en 2020. Cette période sera consacrée à un renforcement des subventions pour développer l’efficacité énergétique et la production d’électricité renouvelable. En parallèle, les normes de consommation énergétique des appareils et des véhicules, notamment, seront durcies. A partir de 2021, une taxe d’incitation partiellement ou totalement redistribuée à la population prendra le relais, ce qui se traduira par une forte hausse du prix de l’énergie. Le projet précis de la réforme fiscale écologique n’est pas encore connu. Le Département fédéral des finances a simplement procédé à une consultation préliminaire en septembre 2013. Selon le Conseil fédéral, ces mesures ambitieuses permettront d’atteindre environ 50% des objectifs définis dans sa stratégie.

 

La Stratégie énergétique 2050 comporte sept grands axes :
• Réduire la consommation d'énergie et d'électricité en renforçant les mesures d'efficacité.
• Augmenter la production d'électricité à partir de la force hydraulique et à partir des nouvelles énergies renouvelables (soleil, biomasse, biogaz, éolien, déchets, géothermie).
• Assurer l'accès aux marchés internationaux de l'énergie, pour les énergies fossiles, et garantir l'accès au marché intérieur européen de l'électricité.
• Moderniser et développer les réseaux de transport et de stockage de l’électricité.
• Renforcer la recherche énergétique
• Assigner une fonction d’exemplarité aux collectivités publiques (standards de construction pour leurs propres immeubles, approvisionnement en électricité et en chaleur par des agents énergétiques renouvelables).
• Intensifier la coopération internationale pour que la Suisse développe ses pôles de recherche et d'innovation liés à l'énergie.

 

Le contexte mondial a changé depuis Fukushima
Le 11 mars 2011, un puissant tremblement de terre suivi d’un gigantesque raz-de-marée ravageait la région de Fukushima au Japon y détruisant la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Le choc fut tel que, dans les semaines qui suivirent, on a pu imaginer la mort de l’industrie nucléaire civile. Trois ans après cependant, seuls deux pays ont décidé d’abandonner cette forme de production d’énergie – l’Allemagne et la Suisse – et se sont lancés dans une ambitieuse transition énergétique. Au 1er janvier 2014, on dénombrait dans le monde 72 centrales nucléaires en construction et 176 en projet.

 

En trois ans, le contexte énergétique a profondément changé. Aux Etats-Unis, le boom du gaz et du pétrole de schiste a fait baisser le prix de ces énergies fossiles et le pays amorce sa réindustrialisation. En Chine, la croissance économique marque une pause. Comme, parallèlement, les pays membres de l'Opep ne semblent pas vouloir réduire leur production, le prix du baril se replie à des minimums plus atteints depuis 2010. En Europe, le développement de la production énergétique renouvelable allemande couplé à la persistance de la crise économique provoque un écroulement du prix de l’électricité. Sur le vieux continent, les grands producteurs traditionnels souffrent, la production de courant bon marché dans des centrales à charbon explose et remet en cause le soutien aux énergies renouvelables, fortement subventionnées pour compenser leur coût de production élevé. Par ricochet, ces prix bas menacent la production hydraulique suisse et ont incité la commission du Conseil national à prévoir des subventions pour la soutenir.

 

Les enjeux pour les entreprises
Selon une analyse réalisée par la Fédération des entreprises suisses economiesuisse, dans l’éventualité de la mise en œuvre de la stratégie énergétique de la Confédération, il faudrait craindre un repli de la croissance de l’ordre de 17 % à 24 %. Cela représenterait l’anéantissement d’une ou deux décennies de croissance économique, lequel devrait être compensé par d’autres mesures économiques. Des pans entiers de l’industrie devraient quitter la Suisse. La progression du chômage atteindrait entre 2,7 % et 3,3 % selon le scénario, ce qui représenterait près du double du niveau actuel. Autrement dit, ce sont 125 000 à 165 000 emplois qui disparaîtraient.

 

La CCIG a porté un jugement sévère sur le projet de stratégie mis en consultation par le Conseil fédéral. Pour que l’économie suisse profite des chances que peut offrir la transition énergétique, il est essentiel que le projet soit corrigé par le Parlement dans un sens plus libéral.

 

Les priorités sont les suivantes :
• la consommation d’énergie ne doit pas être rationnée, au risque de compromettre le développement des entreprises du pays.
• la Suisse ne doit pas faire « cavalier seul » : étant donné que la Suisse présente une structure économique très dépendante de sa compétitivité internationale, sa politique climatique doit être harmonisée avec celle de l’Europe à tout le moins.
• la Suisse doit garder le champ des options ouvert en matière de production d’électricité et de mix énergétique. Si la construction de nouvelles centrales nucléaires semble ne pas devoir être envisagée dans les années à venir, il ne faut pas abandonner définitivement cette technologie.
• La Suisse conduit d’ores et déjà une politique climatique exemplaire ; sa politique énergétique doit avoir comme objectif prioritaire un approvisionnement en énergie de manière générale et en électricité en particulier sûr et à prix compétitifs.

 

Le Conseil national ouvre bientôt les feux
Le Conseil national entamera le traitement du dossier au mois de décembre prochain. Les débats promettent des échanges animés, car la gauche, les verts et le centre soutiennent le projet, l’UDC s’y oppose et le PLR pourrait jouer les arbitres. Sur le fond, on peut dire que deux visions s’affrontent. Pour les uns, la Suisse doit avancer de manière déterminée sur la voie du renouvelable et de l’efficacité énergétique – tant pis si cela coûte cher au départ – et la contrainte se justifie pour stimuler les changements de comportement, car au bout du compte des dizaines de milliers d’emplois seront créés en Suisse. Pour les autres, la politique énergétique doit en priorité assurer la sécurité d’approvisionnement et des prix compétitifs et la Suisse doit impérativement tenir compte du contexte européen et mondial.

 

Les discussions se dérouleront avec trois initiatives en toile de fond :
• celle des Verts « Sortir du nucléaire », dont Energie 2050 est le contre-projet ;
• celle des Verts libéraux « remplacer la TVA par une taxe sur l’énergie », qui est en discussion au Parlement ;
• celle d’une large coalition de personnalités issues de tous les partis, qui ont lancé une initiative «  pour un approvisionnement en électricité sûr et économique », qui rejoint les objectifs du Conseil fédéral.

 

Conclusion
La stratégie énergétique de la Confédération doit respecter deux principes essentiels. Premièrement, la politique énergétique doit avoir pour objectif prioritaire d’assurer la sécurité d’approvisionnement et des prix compétitifs. Deuxièmement, elle doit être pragmatique, économiquement et socialement acceptable, compatible avec le contexte européen et international, et suffisamment souple pour permettre des adaptations aux évolutions technologiques et politiques.


Si ces principes sont respectés, Energie 2050 peut être une chance pour les entreprises suisse. Ménager et utiliser efficacement les ressources, en particulier les ressources énergétiques, est une nécessité compte tenu de la raréfaction générale des ressources et des efforts déployés pour préserver le climat. La Suisse, déjà bonne élève en matière de politique climatique, a d’ores et déjà de bons atouts en mains. Elle doit maintenant se garder de la tentation hyper-régulatrice et mettre en place un cadre politique suffisamment libéral pour que les entreprises helvétiques passent sans encombre le cap de la transition énergétique. La balle est dans le camp du Parlement fédéral.

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