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CCIG : 150 ans d’histoire pour façonner le monde de demain

CCIG
Posté le 25/03/2015
Opinions
Nouvelles

Discours de M. le Conseiller fédéral Johann N. Schneider-Ammann, Chef du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) à l’occasion des 150 ans de la Chambre de commerce et d’industrie de Genève

Genève, 23 mars 2015

CCIG : 150 ans d’histoire pour façonner le monde de demain

Monsieur le président du Conseil d'Etat,
Monsieur le président du Grand Conseil,
Messieurs les conseillers d'Etat,
Mesdames et Messieurs les députés aux Chambres fédérales et au Grand Conseil,
Monsieur le Président de la CCIG,
Chers membres,
Chers invités,
Chers entrepreneurs,
Mesdames et Messieurs,


En feuilletant la documentation qui m’a été remise pour la préparation de ce discours, une phrase de votre premier rapport d’activité de 1865 m’a sauté aux yeux :

Je cite : « En terminant ce court exposé de l’état de notre commerce, la Chambre de commerce saisit cette occasion de remercier le Conseil de la Confédération. En particulier la conclusion de traités de commerce avec la plupart des Etats limitrophes ne saurait être, en somme, qu’avantageuse à l’intérêt général. » Fin de citation.

C’est intéressant. Il y a 150 ans – tout comme aujourd’hui, – ce que les entrepreneurs saluent, c’est le libre accès aux marchés. Et aujourd’hui, tout comme il y a 150 ans, le libre accès aux marchés est une des clés de voûte de la politique commerciale extérieure de la Suisse.

Votre rapporteur ajoutait par ailleurs – et je le résume : « Ce système de traité n’est cependant bon qu’à une condition : il ne doit être qu’un système de transition vers le « libre échange ». Aujourd’hui, nous avons – quasiment – ce libre-échange avec nos voisins.  Les entrepreneurs Genevois voyaient loin ! Dans le temps et dans l’espace !

La lecture de ces extraits est aussi une leçon d’humilité : ce que nous appelons la globalisation ne date pas de hier. Grâce à l’engagement d’innombrables Chambres du commerce, en Suisse et dans le monde, cette globalisation était déjà réalité à la fin du dix-neuvième siècle.

Seulement voilà :  
•    deux guerres mondiales,
•    deux catastrophes totalitaires,
•    une guerre froide,
•    et trois refondations de l’ordre international
ont bouleversé le monde depuis 1914.

Le rêve de marchés libres et globaux a connu de sérieux coups de freins. C’est seulement depuis 1991 que le monde semble à nouveau prêt à jouer la carte d’une économie mondiale intégrée.

Certes, le chemin reste cahoteux. Les disputes et controverses restent vives. Je pense notamment à l’OMC.

Mais au cours de sa longue histoire, votre Chambre a su naviguer sur ces eaux tumultueuses en participant aux débats publics et en contribuant aux prises de décisions. Vous avez ainsi permis à l’économie de votre canton de s’adapter, de se développer. Il est ainsi devenu l’un des moteurs de ce formidable axe de prospérité et de croissance qu’est devenu l’arc lémanique dont Genève est un des pôles. C’est une réalité incontournable, désormais largement reconnue en Suisse alémanique.

Je pense que les membres fondateurs de votre Chambre seraient fiers de la Genève d’aujourd’hui. Ils auraient en tous les cas toutes les raisons de l’être. Du fond du cœur, je vous dis bravo. Toutes mes félicitations.

Mesdames et Messieurs, parmi les dates dont votre Chambre est particulièrement fière, permettez-moi d’en citer trois prises – presque – au hasard:
•    La création du port-franc en 1887,
•    L’élaboration de la loi cantonale sur les allocations familiales en 1943,
•    Le lancement du CEVA en 2011.

Cela donne un petit aperçu de l’ampleur et de la diversité des activités d’une Chambre de commerce engagée et entreprenante. Pour vous, la gestion du changement est une réalité vécue, pas de la théorie.

Vous constituez le lien indispensable entre la politique, l’économie et la société. Sans votre engagement, un ministre de l’économie ne pourrait pas exister. Surtout pas un ministre de l’économie libéral comme moi ! Vous remplacez grâce à votre engagement – intéressé certes, mais aussi civique – des armées de fonctionnaires.

Ceux qui disent que dans notre économie globalisée, les chambres de commerce sont dépassées ont tout simplement tort.

Tout d’abord parce l’économie n’est pas le fait des seules multinationales. Loin de là. En Suisse – vous le savez – 99% des entreprises sont des PME. Elles fournissent 2/3 des emplois. Ce sont elles qui sont la réalité économique du pays. Et les Chambres de commerce sont leurs meilleurs relais.

Ensuite, parce que les Chambres de commerce contribuent à ce que les problèmes soient réglées à leur juste niveau. Pour elles, la subsidiarité qui régit notre système fédéral n’est pas un vain mot. Leurs interlocuteurs sont en premier lieu leurs cantons.

Enfin, vous veillez à ce que le débat public soit alimenté avec des idées favorisant la libre entreprise et l’esprit d’initiative.

Oui, je vous le concède : la Berne fédérale est de plus en plus souvent aux commandes. Mais nous avons ainsi unifié notre espace économique interne et résolu des problèmes dépassant les cantons, ce qui permet à vos entreprises d’embrasser de nouveaux marchés.

Mais que la solution soit cantonale, fédérale ou internationale, les chambres de commerce sont aux avant-postes, ils sont la principale interface entre l’économie et la politique.

Grâce à leur réseau très dense, ils sentent tous les frémissements de la vie économique, peuvent les analyser et faire des propositions nécessaires en connaissance de cause.

Mesdames et Messieurs, je ne vous apprends rien : aujourd’hui, un de nos principaux problèmes au niveau national, c’est évidemment le franc fort. Concurrence salariale, tourisme d’achat, pression sur les exportations ne sont pas que des slogans pour les Genevois. Ils font partie de leur quotidien.

Inutile de refaire le débat sur l’opportunité de la décision de la BNS. Ce qu’il s’agit de faire, c’est d’affronter cette réalité.

Historiquement, la force du franc a toujours été un défi pour la Suisse. Mais il nous a aussi toujours contraints d’être meilleurs que nos concurrents.

De plus, même sans taux plancher, la BNS fait tout pour réduire l’attractivité du franc pour les spéculateurs : notamment avec des taux d’intérêts négatifs. Or, avec cette politique, l’argent qui dort perd de sa valeur. Il est donc temps d’investir et d’améliorer notre capacité concurrentielle.

La place industrielle et de recherche suisse offre toujours les meilleures opportunités :
•    Grâce à notre système de formation dual – avec d’un côté les Universités et de l’autre la filière professionnelle avec formation en entreprise – vous disposez des meilleurs collaborateurs et de la meilleure recherche.
•    Grâce à notre marché du travail libéral, notre économie reste flexible et agile.
•    Grâce à notre partenariat social, les problèmes peuvent être réglés dans la concordance et personne ne reste sur le bord du chemin.

C’est la recette du succès suisse et je suis absolument convaincu que cela reste une recette d’avenir.

Mesdames et Messieurs, le franc fort n’est évidemment pas le seul problème : nous devons aussi régler le problème de la mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration de masse et ses conséquences sur la main d’œuvre.

Mais permettez-moi plutôt de continuer sur le thème de l’avenir. Récemment, mon département a tenu son colloque annuel. Nous avions invité les leaders de cinq start-up suisses. Chacun a eu droit à un « pitch » de quelques minutes.

En les regardant évoluer sur scène – confiants, brillants – je n’ai pas pu m’empêcher de penser combien nos jeunes ont changé. Lorsque j’étudiais, ceux qui ne voulaient pas faire la révolution et changer le monde rêvaient d’une carrière bien balisée au sein d’une grande entreprise. L’entrepreneuriat n’était pas enseigné dans nos écoles et nos universités.

Les cinq jeunes gens qui sont venus présenter leur start-up devant mes collaborateurs, rêvent de tous faire une révolution, de changer le monde. Mais comme entrepreneurs. Ils nous ont notamment présenté :
•    une application qui permet de faire des photos en trois dimensions à l’aide d’un simple smartphone,
•    un robot autonome, alimenté par batteries solaires, capable de faire la différence entre betteraves et mauvaises herbes et de débarrasser un champ entier de ces dernières,
•    et un appareil d’analyse médicale basé sur la nanotechnologie, qui permet de détecter en quelques minutes des allergies possibles chez un patient.

Je peux vous l’assurer : ils n’ont pas manqué leur effet, tant sur mes collaborateurs que sur moi-même. Après cette petite demi-heure, nous savions à nouveau tous pourquoi nous nous battons dans mon département ! Pour que ces jeunes gens puissent réaliser leurs idées.

Mesdames et Messieurs, la Suisse est riche en talents. Il faut les cultiver. Ceci est d’autant plus important que la nouvelle révolution industrielle qui s’annonce va nous lancer un formidable défi.

 

Je parle de la transformation digitale qui est appelée à tout bouleverser :
•    les produits que nous utilisons,
•    l’économie qui les fabrique,
•    les sociétés dans lesquelles elles se développent,
•    et, peut-être, jusqu’à la façon de concevoir et de faire la politique.

Dans un récent article sur les leaders de la Silicon Valley – intitulé de façon un peu provocatrice « Die Weltregierung », « Le gouvernement mondial » –, le magazine « Der Spiegel » a écrit : «Ce qui est en marche, c’est une transformation sociale à laquelle personne ne pourra en fin de compte se soustraire. C’est un bouleversement comparable avec l’industrialisation au 19e siècle – seulement tout va aller beaucoup plus vite. »

Mesdames et Messieurs, dramatiser – vous le savez – n’est pas dans mon tempérament. Mais je souhaite faire réfléchir. Réfléchir à ce que l’avenir nous apporte. Nous devons chercher à comprendre ce que les changements qui se dessinent signifient pour notre économie, notre marché de l’emploi, notre recherche, notre formation.

Une de mes préoccupations majeures en tant que conseiller fédéral, c’est que chacun ait un travail conforme à ses talents. Pour cela, chacun doit pouvoir acquérir la meilleure formation possible. Or, la question qui se pose face à la transformation qui s’annonce est : quels sont les métiers de demain ? Cela demande un sens aigu de l’anticipation, une bonne dose de réalisme et une beaucoup de vista.

J’ai déjà dit que les Chambres de commerce sont aux avant-postes entre l’économie et la politique, en prise avec les réalités du terrain. Si les transformations annoncées ont lieu, vous serez les premiers à en percevoir les signes avant-coureurs. Vous devez les repérer, en tenir compte et faire des propositions.

Je suis persuadé que la Suisse restera capable de maîtriser son avenir. Grâce aux atouts déjà mentionnés – système de formation et de recherche, marché du travail libéral et partenariat social – nous avons tout en main pour façonner notre avenir plutôt que de subir les événements.

Avec les futurs parcs de l’innovation, à Dübendorf, mais aussi autour de l’EPFL, notamment avec le nouveau centre Biotech de Genève, nous augmentons encore nos chances d’être acteurs plutôt que victimes. Je partage la vision du président de l’EPFL Patrick Aebischer lorsqu’il dit : « Toute la Suisse doit devenir un Silicon Valley » !

Je suis persuadé, que la Chambre de commerce et d’industrie de Genève, forte de ses 150 ans d’expérience dans la gestion du changement, jouera son rôle dans les transformations qui s’annoncent.

Je vous remercie pour votre attention.


Seul le discours prononcé fait foi.

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