Typique d'un pays industrialisé
Après avoir fait un tour d’horizon des enjeux d’aménagement (CCIGinfo n° 6, juin 2015), le CCIGinfo scrute aujourd’hui une autre des conditions cadre sur lesquelles travaille la CCIG : l’énergie.
De par sa structure et son importance, le secteur de l’énergie en Suisse est typique d’un pays industrialisé. Depuis le début des années 1930, la consommation d’énergie a été multipliée par six*, en parallèle au fort développement de l’économie et de l’accroissement de la population.
En 2014, la consommation globale d’énergie en Suisse a ainsi atteint une valeur de 825 770 térajoules (TJ). Il faut néanmoins relever que cette consommation est en baisse de près de 8% par rapport à l’année précédente, et de 8,5% par rapport au pic de 902 510 TJ atteint en 2010*.
La Suisse n’a jamais aussi peu consommé depuis 1997. La consommation de produits pétroliers, et les combustibles en particulier, accusent une baisse spectaculaire et, s’agissant de l’électricité, la Suisse n’a jamais aussi peu consommé en dix ans. Selon l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), le facteur principal derrière cette baisse de la consommation est la météo clémente dont la Suisse a bénéficié en 2014. Selon MétéoSuisse, 2014 et 2011 ont en effet été les années les plus chaudes depuis le début des relevés en 1864. Cette baisse de consommation intervenant alors que l’économie suisse a affiché une croissance enviable de quelque 2% en 2014 et que la population résidente a augmenté de 1.2%, elle n’en est que plus remarquable.
* Source : OFEN – Statistiques globales de l’énergie 2014, tableau page 20.
Un facteur de production essentiel
Qu’elle soit fournie sous forme de courant électrique, de gaz, d’essence ou de pétrole, l’énergie est disponible 24h sur 24h en quantité suffisante. Personne ne peut imaginer qu’il en soit autrement. Sans énergie, il suffit de quelques heures pour que toute la vie économique d’un pays s’arrête. C’est pourquoi la sécurité de l’approvisionnement, qui passe par la diversité des sources, est si importante pour les entreprises, d’autant que la Suisse, hormis l’hydroélectricité, le bois et quelques autres sources d’énergie, renouvelables ou non, dispose de peu de ressources indigènes : produits pétroliers, gaz et combustibles nucléaires sont importés. Actuellement*, la Suisse produit entre 20% et 24% de son énergie et en importe donc plus des trois quarts.
La Suisse étant fortement dépendante de l’étranger pour son approvisionnement, il est important de consommer l’énergie plus efficacement et de développer les ressources indigènes, tout en gardant à l’esprit que l’énergie est un facteur de production qui, s’il devient trop cher, pénalise la compétitivité de l’économie. En effet, sans même compter l’énergie utilisée pour les transports, les secteurs secondaires et tertiaires consomment 35% de l’énergie utilisée en Suisse, soit plus que les ménages (27%)**. Ce pourcentage atteint même quelque 60% pour l’électricité, soit près du double de l’ensemble des ménages.
* Source : Message du Conseil fédéral sur le premier paquet de la Stratégie énergétique 2050 et Statistiques globales de l’énergie 2014 de l’OFEN
** Source : Statistiques globales de l’énergie 2014 et Statistiques globales de l’électricité 2014 de l’OFEN, calculs réalisés par la CCIG
Fondements de la politique énergétique
La Confédération joue un rôle important en matière de sécurité et d’approvisionnement énergétique rationnel et écologique. Au niveau fédéral, la politique énergétique est inscrite dans différents textes : article constitutionnel datant de 1990, loi sur l’énergie, loi sur le CO2, loi sur l’énergie nucléaire et loi sur l’approvisionnement en électricité. L’article constitutionnel sur l’énergie définit que « dans les limites de leurs compétences respectives, la confédération et les cantons s’emploient à promouvoir un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr, économiquement optimal et respectueux de l’environnement ainsi qu’une consommation économie et rationnelle de l’énergie ».
Le peuple suisse est très régulièrement appelé à se prononcer sur les grands enjeux de la politique énergétique, tant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal. Ainsi, depuis 1908, on compte des dizaines de votations ayant trait à l’énergie. C’est le peuple suisse qui, en 2005, a décidé de l’ouverture du marché de l’électricité ou, plus récemment, de refuser une taxe sur l’énergie qui devait remplacer la TVA.
En matière d’énergie, en particulier en matière d’électricité, la Suisse n’est pas une île. Située au cœur de l’Europe, elle est une plateforme dans le commerce international de l’électricité. Depuis plusieurs années, les autorités suisses négocient avec l’Union européenne un accord bilatéral sur l’électricité, dont les priorités sont d’éviter les goulets d’étranglement à la frontière, de garantir la sécurité de l’approvisionnement à long terme, de fixer les prix de l’utilisation des réseaux suisses selon le principe de causalité et de préciser l’intégration de la Suisse dans le marché intérieur de l’électricité européen.
Quand on parle de politique énergétique, on doit également évoquer la politique climatique. A l’occasion du Protocole de Kyoto, la Suisse s’était engagée, d’ici 2012, à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8% par rapport aux valeurs de 1990. Fin 2011, les Chambres fédérales ont adopté les bases légales de la politique climatique suisse pour les années 2013 à 2020. La loi révisée sur le CO2 prévoit désormais que les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites d’au moins 20% par rapport à 1990 à l’horizon 2020. Dans le cadre de la stratégie énergétique 2050, le Conseil fédéral propose d’augmenter la taxe sur le CO2 afin d’en accentuer l’effet incitatif. La Suisse est cependant plutôt un bon élève en matière de CO2., puisque les émissions par habitant y sont parmi les faibles des pays de l’OCDE.
Transition énergétique : inquiétudes de l’économie
Les autorités fédérales étant chargées d’assurer la sécurité d’approvisionnement de la Suisse en énergie à long terme, il leur appartient d’anticiper. C’est ainsi qu’en 2007, le Conseil fédéral avait adopté une stratégie énergétique qui devait répondre au scénario augurant, dès 2020, d’une pénurie d’électricité due à la hausse croissante de la consommation et à la réduction annoncée des moyens de production. Comme solution transitoire, la Suisse prévoyait alors de construire des centrales à gaz à cycle combiné et de remplacer ou compléter les centrales nucléaires existantes par de nouvelles constructions. Le 11 mars 2011, le séisme de Fukushima a bouleversé la donne : en l’espace de quelques semaines, la politique énergétique de la Suisse a été complètement réécrite. Elle a été à l’ordre du jour du Conseil des Etats lors de la troisième semaine de la session d’automne (voir la version électronique de ce dossier pour la situation actualisée).
Le projet de stratégie énergétique 2050 fait un peu penser à une Ferrari avec un moteur de deux chevaux. Les ambitions sont énormes, voire démesurées, mais les moyens pour les atteindre ne sont pas au rendez-vous. Presque tout repose sur une future taxe d’incitation, dont l’acceptation par le peuple et les cantons est pour le moins aléatoire.
Le chapitre électrique laisse lui aussi un goût d’inachevé. L’accent est mis sur le photovoltaïque et l’éolien, dont la production est très irrégulière. Un tel choix ne fonctionne que si les moyens de pallier leurs fluctuations sont à disposition. On en est encore loin. La construction de centrales à gaz en Suisse reste une chimère tant les coûts sont prohibitifs. L’hydraulique existant ne permet de loin pas de stocker les surplus de production renouvelable et de les restituer en temps voulu. La construction de centrales de pompage-turbinage contribuerait à améliorer la situation, mais la plupart des projets sont stoppés, également en raison de coûts prohibitifs. Il restera donc à importer du courant européen, majoritairement produit avec du charbon et du nucléaire. Outre ce paradoxe, notre dépendance croîtra et, en l’absence d’un accord sur l’électricité avec l’UE, la sécurité d’approvisionnement diminuera.
La stratégie coûtera également cher aux consommateurs. Sans parler des taxes d’incitation, il faudra soutenir longtemps et substantiellement la production renouvelable. Même si ses coûts de production baissent nettement, ils restent fort éloignés du prix de l’électricité sur le marché. Paradoxalement, ces subventions contribuent à mettre en difficulté l’énergie hydraulique, qui reste le pilier de nos énergies renouvelables. Le Parlement n’aura d’autre choix que la soutenir elle aussi. L’addition finale s’annonce très élevée et probablement sous-estimée.
Dans ce contexte, la votation du 8 mars sur le remplacement de la TVA par une taxe sur l’énergie a provoqué un choc salutaire. Le non sorti des urnes constitue un appel à trouver des moyens de sortir du nucléaire et de mettre en place une politique énergétique plus économe et plus renouvelable, mais réalisable et acceptable par le peuple.
Grandes sont les inquiétudes des entreprises quant à l’issue du projet suisse de transition énergétique. Selon Scienceindustries par exemple, le projet conduira, dans les entreprises chimiques, à une augmentation moyenne du coût du kWh de 7 centimes, ce qui correspond à 3,5% de la masse salariale.
La CCIG s’engage en faveur d’un approvisionnement sûr à des prix compétitifs
La CCIG a maintes fois exprimé son scepticisme au sujet des objectifs énergétiques et climatiques contenus dans la stratégie énergétique 2050. Ils sont peu réalistes et font peser un risque économique important sur les entreprises. La CCIG s’est également exprimée lors de la procédure de consultation relative à la 2e étape de cette stratégie, à savoir l’introduction d’un système incitatif en matière climatique et énergétique. La CCIG a marqué son opposition à ce système quand bien même un régime d’incitation est davantage conforme à la logique économique qu’un régime de subvention.
En effet, tel qu’il est actuellement conçu, le système entraînera un renchérissement massif de l’énergie et de l’électricité et, à l’heure où nombre d’entreprises souffrent du franc fort, la CCIG ne peut que refuser les hausses envisagées, qui sont de nature à porter fortement préjudice à la compétitivité des entreprises, voire à favoriser la délocalisation graduelle d’activités économiques.
Conclusion
Le Conseil fédéral souhaite combiner la sortie du nucléaire et une politique climatique très volontariste. Combiner ces deux objectifs, sans nuire fortement à l’activité économique et à la compétitivité des entreprises, paraît pour le moins illusoire. La CCIG estime qu’il faut veiller à concilier abandon progressif de l'énergie nucléaire avec sécurité de l'approvisionnement, à des prix compétitifs en comparaison internationale. Le maître mot est de créer des conditions cadre qui permettent aux entreprises d’assurer une croissance économique durable.
Changement de stratégie
La politique énergétique suisse est actuellement en phase de renouveau important. L’« ancienne » stratégie énergétique de la Confédération, la Stratégie 2007, reposait sur quatre piliers : l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, le remplacement et la construction de grandes centrales électriques ainsi que la politique énergétique extérieure.
En 2011, quelques mois après l’accident nucléaire de Fukushima, le Conseil fédéral annonçait vouloir « sortir du nucléaire ». Les objectifs sont de réduire la consommation d’énergie, d’accroitre la part des énergies renouvelables et de réduire les émissions de CO2, sans mettre en péril la sécurité d’approvisionnement et sans trop renchérir le coût de l’énergie en Suisse. Autant dire que l’on a vu plus simple… Actuellement, 38% de l’électricité produite en Suisse est issue des centrales nucléaires. Le reste de la production suisse est due à 56% aux centrales hydrauliques et à 6% aux centrales thermiques conventionnelles et autres installations de production d’électricité, renouvelable ou non. Le défi est donc de taille et est rendu d’autant plus grand par les impératifs ambitieux de lutte contre le CO2 tels que définis dans la politique climatique. La Stratégie énergétique 2050 prend la forme de deux « paquets », un premier présentant des mesures pour la période courant jusqu’en 2035, le deuxième pour la période suivante.
Le Conseil fédéral a soumis son premier paquet de mesures au parlement à l’automne 2013. En décembre 2014 le Conseil national a adopté le projet en y apportant quelques modifications. La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil des Etats est entrée en matière début 2015 et a approuvé le projet fin août, tout en affichant des différences avec le projet tel qu’adopté par le Conseil national. Le Conseil des Etats a abordé le sujet lors de la troisième semaine de sa session d’automne.
0 commentaire