On peut protéger sans tout bloquer !
« Stopper le mitage » : quel chouette programme ! Non, vraiment : arrêter définitivement d’agrandir les zones à bâtir, ça a quelque chose de poétique, ça fleure bon le retour aux sources terriennes. Avec cette initiative, plus de nouveaux emplacements pour créer du logement, construire des bâtiments pour l’artisanat ou l’industrie. Mais il est vrai qu’à Genève, où tout un chacun trouve où se loger selon ses moyens, ce ne serait pas grave !
Plus sérieusement, cette initiative méconnaît la diversité des besoins. C’est d’ailleurs un signe que tant les gouvernements que l’Association des communes suisses ou l’Union des villes suisses aient toutes rejetée l’initiative. Les cantons ont jusqu’au 30 avril de cette année pour adapter leurs Plans directeurs en restreignant très strictement les zones à bâtir aux besoins prévisibles de la population pour les 15 prochaines années. Cela a déjà mené à rendre à nouveau inconstructibles un très grand nombre de terrains dans certains cantons tel que Vaud. A Genève, le Plan directeur partiellement approuvé par les autorités fédérales en 2015 a été amputé de près de la moitié des zones agricoles sélectionnées pour devenir des zones à bâtir. En outre, le mitage risquerait d’être accentué dans certaines régions plutôt que freiné, si l’activité de construction se déplaçait vers des zones à bâtir inadéquates du fait de l’impossibilité d’en créer de nouvelles. La révision de la LAT (Loi sur l'aménagement du territoire), acceptée par le peuple en 2013, visait précisément à « orienter le développement de l’urbanisation vers l’intérieur » et à « réduire les zones à bâtir surdimensionnées ». Et une nouvelle révision de la LAT devrait d’ailleurs être présentée aux Chambres fédérales cette année.
Clairement, cette initiative ne tient compte ni de l’évolution démographique, ni du développement économique. Outre la question de la création de nouveaux logements, dont la nécessité est influencée non seulement par la croissance de la population, mais aussi par des changements sociaux tels les ménages recomposés, l’installation de nouvelles entreprises s’en trouverait freinée en maints endroits, ce qui aurait naturellement une incidence sur l’emploi.
Il importe donc de refuser cette initiative. Mais cela ne dispense pas, bien au contraire, de réfléchir à la densification intelligente, en particulier de nos villes. Il y a 10 ans, la CCIG avait mandaté le Laboratoire de la production d’architecture (lapa) pour réfléchir à ce que devrait être le visage de Genève vers le milieu des années 2030. La réponse : densifier à l’intérieur de la première couronne urbaine, définie comme un périmètre de 4 km autour de l’hyper-centre-ville, et, binôme indispensable, optimiser les réseaux de transports publics. Mais le terme de « densité » effraie la plupart des citoyens. Et il faut bien dire que, lorsqu’on voit les barres d’immeubles construites dans les années 50 ou 60, on ne peut pas vraiment leur donner tort. Et pourtant, densifier et faire de la qualité, c’est possible pour peu que quelques conditions soient réunies : des normes administratives révisées, des maîtres d’ouvrage prêts à prendre des risques ou laisser émerger de nouvelles formes d’habitations.*
* Cette thématique est à retrouver dans le dossier du CCIGinfo de février 2019, à paraître.
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