Le piéton pris en otage
On a beau respecter les droits populaires, les élections municipales ne justifient pas la frénésie dont fait preuve une partie du monde politique local, comme l’a très bien dit notre ministre des infrastructures à l’annonce du lancement d’une initiative sur la piétonnisation du centre-ville. Cette initiative, outre qu’elle n’est apparemment pas réalisable du fait que les normes régissant le statut des rues sont de rang cantonal, n’a qu’un but : combattre le projet d’aménagement du centre-ville dit « Clé-de-Rive ».
En effet, pour certains, il y a la bonne piétonnisation – celle que vise l’initiative lancée ce mardi par la gauche municipale – et la mauvaise piétonnisation : celle qui prévoit 33 000 m2 de surface réaménagée dont 2/3 réservés aux piétons, mais aussi un parking souterrain qui permettra de supprimer 498 places de stationnement en surface pour les compenser en sous-sol et de créer 398 places pour les deux-roues. Un parking dont une centaine de places seraient réservées aux habitants.
« Parking », un mot tabou pour une partie de la classe politique locale, qui sait pourtant parfaitement que les centres villes piétons ont toujours des parkings, qui permettent à la clientèle et aux touristes d’accéder aux commerces, aux restaurants et aussi aux musées ou autres centres culturels. Bien sûr, Genève dispose d’un réseau de transports publics plutôt efficace, mais tout le monde ne peut pas venir faire ses courses en bus ou en tram. Et tout le monde ne vient pas en ville à pied ou à vélo.
Pour les milieux économiques qui ont soutenu bien des réformes en faveur des transports publics et de la mobilité douce, la coupe déborde. En 2016, on nous a vendu la fin de la guerre des transports. Mais aujourd’hui, le sentiment qui prévaut est d’avoir été trompé par des partis qui n’ont cure que des commerces genevois périclitent. Certains préfèrent visiblement voir les clients prendre leur voiture pour faire leurs courses en France plutôt que de se rendre en ville.
On nous rétorquera que les habitudes de déplacement évoluent. C’est vrai, mais il ne faut pas fermer les yeux sur le fait que la mobilité individuelle continuera à progresser avec les loisirs et l’accroissement de la population. Sauf à imposer la collectivisation des transports à coups de subventions encore plus massives qu’aujourd’hui, les transports publics ne pourront pas absorber cette augmentation de la mobilité.
On nous rétorquera que les parkings existants ont des capacités et qu’il n’y a qu’à élaborer un nouveau projet : une zone piétonne sans parking. Sauf que la question qui nous sera posée en septembre sera : voulez-vous les deux ou rien du tout ? La Ville, le canton et le secteur privé travaillent sur le projet actuel depuis 14 ans. Sommes-nous prêts à attendre encore aussi longtemps ?
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